Le coin des lecteurs

Rencontre avec Jean-Yves Loude, le 2 juin 2025

Par LAURENCE FAURIE, publié le lundi 12 mai 2025 14:51 - Mis à jour le samedi 14 juin 2025 11:22

Rencontre avec un écrivain voyageur : Jean-Yves Loude

 

L'interview :

Jean-Yves Loude est un ethnologue, poète, romancier, scénariste de cinéma et auteur d'ouvrages pour la jeunesse français. Il a débuté par le journalisme.  Il est né à Lyon le 26 février 1950. Il est aussi auteur d'essais et de récits pour adultes, en lien avec les pays dans lesquels il a effectué de nombreux voyages. M. Loude voyage avec sa femme Viviane qui est photographe. Il dit lui-même qu’ils ont une maladie, la fièvre du voyage. Il a voyagé chez les Kalash en Inde, au Cap vert et partout en l’Afrique. 
Il nous a fait écouter la chanson interdite qui parle de liberté. Avant, au Cap vert, les habitants n’avaient pas le droit de parler de liberté et encore moins de ce qu’ils pensaient, sinon, ils allaient dans le Bagne de Tarrafal. Il nous a montré une photo du garçon qui l’a inspiré pour son personnage Zé, le héros de « La chanson interdire » mais ce n’est pas son vrai prénom, ce qui est vrai, c’est qu’il joue très bien de l’accordéon.


1-Vous avez écrit beaucoup de livres, lequel a t-il eu le plus de succès ? Je pense que c’est « La chanson interdite ».  Le roman  a été traduit, édité à plus de 35000 exemplaires et distribué dans toutes les écoles du Brésil. 
2-Parlez-vous beaucoup de langues ? Je parle anglais, portugais et la langue des Kalashs. Les langues sont les clés du monde.  
3-Combien de temps vous faut-il pour écrire un livre ?  Je prends le temps de bien connaître le pays avant d’écrire mon livre. J’ai écrit « Tanuk le maudit » en 4 mois, mais, il m’a fallut 15 ans pour bien connaître le peuple des Kalash. 
4-D’où vous est venue l’idée de devenir un écrivain -voyageur? J’avais un rêve, c’était celui d’aller en Inde mais, mes parents m’ont dit « on ne t’aidera pas », alors j’ai travaillé pendant 2 ans et j’ai acheté mon billet d’avion pour l’inde. C’est en Inde que j’ai découvert la colère et que j’ai décidé de commencer à écrire contre les injustices. J’avais également envie de faire partager aux autres le bonheur de voyager. Avec ma femme, nous voulions être des témoins du monde. Je traduis l’imaginaire des peuples que je rencontre, je voyage vers ceux qui ne me ressemblent pas.

5-Qu’est-ce qui a déclenché l’écriture de « Clara au pays des mots perdus ». 
Un jour, j’ai reçu une lettre dans laquelle on me demandait de raconter la vie des malades dans un hôpital pour des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. J’ai hésité car ce n’est pas mon domaine, je ne suis pas journaliste. Puis j’ai dit oui, mais à condition que ce soit sous la forme d’un roman. Je suis resté trois semaines dans cette institution, j’ai vécu de 9h à 17h avec les infirmières, les malades, les médecins. J’ai eu l’impression de voyager dans un autre pays, un pays dans lequel il n’y avait plus de mots mais dans lequel il y avait des rires, des sourires, de la bienveillance et de l’humour. J’ai imaginé une fille de 13 ans, Clara, qui au lieu de partir en vacances en Tunisie avec ses parents décide de rester pour passer l’été dans un institut avec son grand-père. Elle apporte de la clarté dans un monde sombre. J’aime beaucoup ce livre. 

6-Etes-vous en train d’écrire un livre ? Oui, il sortira en octobre et le titre sera « L’enfant voyageur ».  
7-Zé, le personnage de « La chanson interdite » existe t-il ? Non mais, je me suis inspiré d’un jeune artiste que j’ai rencontré au Cap Vert lors d’un dîner. Il jouait très bien de l’accordéon. 
8-Le bagne de Tarrafal a t-il vraiment existé ? Oui, il a vraiment existé. On y enfermait  les personnes qui ne plaisait pas au président portugais, comme celui qui a écrit la chanson interdite. 

 

Les travaux réalisés par les 6e Carson et Charpak:

En français, avec Mme Nadaud 

  • Histoire parlée, rédigée par les élèves à partir du héros de l’album « La Sanza de Bama » de Jean-Yves Loude (transcription par le professeur).

Bonjour, je m’appelle BAMA. Je viens du continent africain et j’ai pour compagnon, un instrument de musique appelé la sanza. Jamais il ne me quitte. J’en joue tous les jours. Cela fait plusieurs mois que je voyage en suivant à la lettre les conseils de la fille de mon ancien maître, AÏSSATA, « la petite fiancée de la liberté ». Comme elle me l’a suggéré, je fais tout pour semer ma musique de pays en pays, pour faire entendre ma voix et celle de la sanza. Je vais vous parler de quelques-unes de mes rencontres, dont la plus incroyable, ma rencontre avec les Aborigènes d’Australie.
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Après avoir quitté l’Afrique, mes aventures m’ont conduit sur un autre continent : l’Australie. Me voici installé devant une assemblée d’Aborigènes, dont je ne connais pas le dialecte. Je les salue les uns après les autres puis prends la parole, un peu intimidé : « Laissez-moi vous raconter mon histoire passée, celle d’un enfant orphelin malmené par un maître qui n’hésitait pas à me fouetter. Mais un jour la musique est entrée dans mon existence et m’a sauvé la vie. » Le son de la sanza s’envole doucement dans les airs tandis que je commence par chanter les moments douloureux de mon passé. Les auditeurs très attentifs me fixent et je vois sur leurs visages qu’ils sont touchés. Certains sont tristes, d’autres paraissent étonnés de ce que ma voix et ma musique leur racontent. Nous ne parlons pas le même langage et pourtant, je vois qu’ils sont émus. Cette émotion me pousse à poursuivre. Les sons deviennent plus joyeux et je me mets à dérouler mes nouvelles rencontres et les instants de bonheur que je connais depuis que je me suis libéré de mon maître, après avoir quitté l’Afrique pour parcourir le monde. Les Aborigènes ne tardent pas à réagir et quelques-uns courent chercher leurs
instruments traditionnels : des yidakis. On dirait de longues trompettes en bois. Chaque musicien se met à souffler dans son instrument en faisant vibrer ses lèvres. Il produit un son continu et un effet qui me rappelle les vagues de l’océan. Ce son profond ne paraît jamais s’arrêter et, à mon tour, l’émotion me gagne. Des tambours se mettent aussi à résonner. Nos histoires sont différentes, nos instruments sont différents, nos rythmes aussi et pourtant nous ne tardons pas à nous retrouver pour créer un orchestre qui rassemble toutes nos influences, aussi bien celles de nos ancêtres que celles issues de nos voyages. Nous voilà tous réunis autour de belles musiques. Elles sont à nos yeux uniques et nous transmettent tant d’émotions.
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Et c’est de cette rencontre lointaine qu’est née notre envie de partager encore davantage. Chaque pays visité était l’occasion de découvrir de nouveaux instruments, de faire la connaissance d’autres musiciens. Nous avons alors agrandi notre orchestre et fait résonner notre musique de façon universelle, au travers de nombreux concerts. Nous désirions plus que tout donner l’envie à chacun de faire de la musique, de leur transmettre cet amour, cette passion, de leur faire ressentir quantité d’émotions. Nous souhaitions leur offrir de la joie, du bonheur. Grâce au pouvoir de la musique, moi, BAMA, enfant rejeté, j’ai réussi à emprunter d’autres chemins. J’ai pu me reconstruire. Je suis désormais très heureux et espère l’être jusqu’à la fin de ma vie. 

 

  • La (presque) plus longue lettre du monde adressée à Monsieur Jean-Yves Loude

Très cher Jean-Yves Loude,

Tout d’abord nous espérons que vous allez bien et que la perspective d’être, ce lundi 2 juin, en compagnie des 6ème du collège de Vayrac vous ravit. Il est vrai qu’il est assez peu commun d’adresser une lettre à quelqu’un qui se trouve en notre présence.  Pourtant après avoir consacré un temps agréable à l’élaboration du contenu de cette lettre, nous avons eu l’envie de vous en offrir la lecture, en ce jour où vous nous faites l’honneur de partager un moment avec nous tous.

A la découverte de vos ouvrages, une première question s’impose : d’où vous vient toute cette inspiration et cette créativité ? Nous sommes évidemment curieux d’entendre votre réponse même si nous avons notre petite idée.

Quand on vous lit, on voit combien le voyage vous anime. Vous arrivez à glisser cette passion dans vos ouvrages, tout comme vous parvenez à mettre en avant, de par votre métier consacré à l’étude des cultures dans le monde, le rapport avec la musique et avec les cultures des villageois. Vous devez sûrement bien aimer la musique parce que dans chacun de vos livres vous insérez des moments de musique. Comme le précise notre camarade Leilou, elle « aime bien aussi vos livres pour ça, parce qu’il montre la diversité des cultures dans le monde et ça nous fait un peu voyager. »

Pour nous, cette ouverture au monde vous nourrit et c’est sans doute pour cela que vos ouvrages racontent des histoires de pays si différents de la France. Il est certain que grâce à votre métier qui permet d’explorer les autres cultures, vous vous êtes enrichi et vos ouvrages aussi.

Autre élément sur lequel nous nous sommes arrêtés, la façon dont vous traitez de la réalité. Au cours de nos échanges, plusieurs d’entre nous se sont exprimés à ce sujet.

Lilio est parti du constat que dans vos livres on ne rencontre pas beaucoup de merveilleux –à l’image du conte merveilleux où on peut avoir la présence de dragons par exemple- mais que les histoires racontées sont plutôt des contes un peu ou assez ressemblants à la réalité, comme rattachés à la réalité.

Eliott a donné son point de vue en ces termes : « Je pense que cet attachement à la réalité, c’est parce qu’il est très observateur notamment des cultures, il recherche la moindre chose en plus dans toutes les cultures et surtout vu qu’il a beaucoup voyagé, il aime les choses vraies comme on le constate dans les livres, et toutes les histoires sont souvent des reflets du peuple dont il parle. »

Quant à Raphaël, il lui semble que vous évoquez la réalité dans vos livres mais en prenant des détours, pas vraiment comme vous la voyez. En passant par les croyances des peuples, on entend souvent, dans vos livres, des choses réelles mais exprimées de façon un peu détournée, à la manière d’une légende. Pourtant, on ressent une part de « ça pourrait être vrai », ce qui nous amène vers ce que les gens pensent ailleurs.

Nous avons remarqué que vous faites souvent parler les peuples et leurs croyances. Dans «La Chanson interdite du bagne de Tarrafal», tout le monde croit que le fantôme en est un alors que c’est un humain. Vous dites à la fois que c’est ce que les gens pensent et à la fois ce qui se passe ; ainsi, se côtoient la culture et la vérité.

Pour conclure, nous voudrions vous dire, très cher Jean-Yves Loude, que vous avez, à notre sens, parfaitement réussi à imprégner vos ouvrages de tout ce qui vous a construit.  

Nous retenons de vous l’homme exalté par tout ce qui se passe autour de lui, par ce que vous vivez et ce que vous ressentez. Du Cap-Vert à l’Himalaya, vos histoires nous ont transportés au cœur de la culture des habitants de plusieurs pays, dont l’ethnologue que vous avez été nous offre une vue à la fois globale et précise.

Nous retenons aussi l’écrivain passionné par le sujet de ses livres, un écrivain qui parce qu’il vit un peu les émotions de ses personnages en fait des livres très forts et poétiques.

Nous retenons enfin l’éternel grand voyageur !

Pour tout cela, nous vous remercions.

 

Très sincèrement, 
Les élèves de 6è Carson

  • C’est l’heure du podcast en fichier joint

 

En français, avec Mme Aucouturier

  • Les boîtes de lecture : réalisation d’une boîte mystérieuse permettant de représenter et de raconter l’histoire d’un des livres de Jean-Yves Loude. 

 

Article Dépêche: https://www.ladepeche.fr/2025/06/14/lauteur-jean-yves-loude-rencontre-les-collegiens-12761501.php

 

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